mardi, octobre 01, 2024

Autoritarisme et hypnose

Dans un précédent post, j'évoquais mon aversion de tout autoritarisme de la part de l'hypnologue. User de stratagèmes pour impressionner voire inquiéter le client me semble totalement contre-productif. Et ne correspond pas à mes appétences, ni à ma personnalité.

Tout d'abord, la plupart des consultants découvrent l'hypnose chez leur praticien. Ils peuvent s'être informés au préalable - mais pas toujours - sur les mécanismes d'induction, avoir une idée préconçue et craindre de perdre tout contrôle, avoir lu un post sur l'hypnose indiquant "l'état modifié de conscience" (formule fourre-tout bien pratique), ou état de relâchement intense ou encore cette drôle d'impression : "vous-savez-comme-quand-vous-avez-voyagé-en-voiture-et-ne-vous-souvenez-pas-du-parcours" ou avoir juste entendu une connaissance relater les vertus de ses séances. Le premier contact avec l'hypnose passe aussi - et souvent - par le visionnage de séquences de spectacles ou quelques vestiges de films comme le livre de la jungle "aie confiance !". 

Hypnose Autoritarisme
L'hypnose et l'autoritarisme

Cette non-connaissance a un prix : celui des projections fantasmées. Quand le cerveau ne sait pas, il invente des réponses, il suppose. Cette supposition tourne autour d'une mystique, alliance de magie et de technique destinée à transformer radicalement la perception d'une personne, voire son identité, souvent en en "prenant le contrôle". Ce qui a de quoi impressionner, j'en conviens.

Aussi, de nombreuses personnes me confient leur nervosité ou leur appréhension dès les premiers instants de la séance. Inquiètes, elles ajoutent néanmoins qu'elles "croient" en l'hypnose. Sainte-Hypnose, priez pour nous !

Tout d'abord, il est complexe d'expliquer précisément ce qu'est l'hypnose, un état de transe (mais qu'est-ce que la transe ?), un état de suspension (évanescent, chacun y met sa définition du suspens), une sensation d'étrangeté (euh...), un bug intime ? Nous savons qu'en état d'hypnose, certaines régions du cerveau réduisent leur activité et d'autres la renforcent. Aussi, "la suggestibilité hypnotique est liée à la modification de l'activité du cortex préfrontal dorsolatéral". Ce que l'on nomme "état modifié de conscience" s'articule autour de l'altération de l'attention (le temps ou les bruits par exemple), l'augmentation du contrôle des émotions et des sensations et manque de perception de soi. Evidemment, chacun interprète comme il peut ou veut ces explications techniques qui n'évoquent que partiellement l'expérience d'hypnose spécifique à chacun. Cet état peut être généré en suivant deux chemins différents : par l'intensification d'un côté (des stimuli, des sens, des ressentis, des injonctions paradoxales, du rythme, des gestes et mouvements, de l'attention, etc...) ou par le silence... Ou les deux... Ou ni l'un ni l'autre. 

Oui, l'hypnose peut (longuement) s'expliquer et se démontrer mais rien ne remplacera l'expérience très éloignée de l'interprétation de ces concepts. "Par conséquent, si mon attente ne correspond pas à l'expérience vécue, il se peut que j'imagine que "ça" n'a pas fonctionné et reparte chez moi avec l'insatisfaction et la "certitude" que j'ai perdu mon temps". C'est en cela que je me méfie de l'autoritarisme car ce dernier s'absout de toute pédagogie, brutal, il assène, il pratique son absolutisme, imposant, il renforce la nervosité, développe une méfiance bien naturelle plaçant le sujet dans ses mécanismes de défenses habituelles, les amplifie même, et je ne cois pas cela soit utile lorsqu'il s'agit justement d'en amoindrir certains. Je crains que l'on ne confonde alors sidération et état d'hypnose. L'autoritarisme et la confrontation directe renforcent la résistance instinctive. Inutile de préciser que le combat (résistance) et la sidération sont les deux faces d'une même pièce nommée peur.

Au contraire, le lâcher-prise est la clé d'un abandon des réactions défensives, et c'est aussi dans cette expérience que le sujet peut adopter d'autres mécanismes réactionnels plus adaptés. Le lâcher prise n'est en rien un état de relâchement intense (rien à voir !), il est cette sorte d'abandon à soi-même, "vous-savez comme quand vous êtes pris dans le courant des baïnes et qu'il faut se laisser emporter pour survivre" et bien c'est cela le lâcher-prise, un état de flottement, de suspension et d'abandon à soi-même, pour que l'intelligence du corps prenne le relais sur un cerveau en tension... Au fond, il ne s'agit pas de perdre le contrôle mais d'abandonner le contrôle... Pas évident lorsque tous les mécanismes de défense sont en alerte. Evidemment, s'il fallait expliquer que l'état d'hypnose recherché se situe juste avant la certitude de se noyer, dans cet entre-deux, je crains que nos cabinets soient durablement désertés. Aussi, la qualité de la relation entre le thérapeute et son client, reste la condition ultime pour favoriser cet abandon du combat. Je défends l'idée que la qualité de la relation entre le praticien et son client en est une clé. La pédagogie aussi. Si ce lien est empreint d'écrasement, d'autorité, de faites ci, faites ça, "pfiouuf (pas facile à écrire ! ), clac et maintenant la main est collée au mur", "vous ne pouvez plus bouger, vous êtes incapable de vous lever - je le veux", de domination, de vérités assénées, je crains que l'entrée en hypnose soit insuffisamment profonde et les effets recherchés superficiellement atteints ou très temporaires. Bien sûr, cela pourrait suffire dans certains cas, mais combien ressortiront du cabinet en ayant acquis la certitude que l'hypnose n'est rien d'autre qu'une mascarade... Quel dommage.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Héraclite et la Thérapie

L'étude des Fragments du philosophe Héraclite a éclairé ma pratique de l'accompagnement, et approfondi mon approche de l'hypnose...